Le premier de la classe


Le premier de la classe, c’est un type de créateur qu’on croise souvent sur le web.

C’est un entrepreneur consciencieux, qui se donne à fond pour créer quelque chose qui fait pro. C’est quelqu’un qui fait du travail chiadé. Et qui y met beaucoup d’efforts.

Le problème, c’est qu’en faisant ça, il anesthésie sa personnalité, sa créativité, son humanité… et qu’en conséquence, personne n’arrive jamais à accrocher avec ce qu’il publie.

Alors comme il n’a pas de résultats, il se donne encore plus à fond, il peaufine et peaufine encore… en espérant que ça puisse enfin décoller… Mais ça ne marche jamais.

Plus il s’enfonce dans le professionnalisme et plus son contenu devient fade, ennuyeux, remplaçable…

C’est un cercle vicieux. À mesure qu’il polit les angles, à mesure qu’il purge son travail de tout ce qui pourrait laisser soupçonner qu’un humain l’a créé, il s’enfonce et s’enfonce encore dans la banalité.

Pourtant, il est convaincu que la seule raison pour laquelle il n’obtient pas les résultats qu’il veut, c’est que ses créations ne sont pas encore assez propres, pas encore assez policés, pas encore assez grises, pas encore assez professionnelles.

Le premier de la classe, c’est quelqu’un qui croit que pour réussir, il doit asperger du désherbant sur son âme, sur ses émotions, sur sa vulnérabilité, sur son humour même, et sur tout ce qui fait son carractère.

C’est souvent quelqu’un qui a du talent, et tout ce qu’il faut pour réussir. Ce qui le bloque, c’est juste une croyance : celle selon laquelle le professionnalisme aurait plus de valeur que l’humanité. Pour lui, les émotions, les sourires, l’humour, la vulnérabilité, l’intuition, la créativité... ce sont des choses sales, qu’il faut cacher sous le tapis.

À ces gens-là, je conseillerais d’arrêter de se former pendant un temps.

Et de se mettre à lire des romans au lieu d’ouvrages théoriques. À développer leur empathie en aidant des gens qui souffrent, dans une association ou ailleurs. À raconter des blagues. À s’exercer à parler d’eux, de ce qui les blesse, de ce qui les émeut, de ce qui les touche. Et à écrire des textes drôles ou tristes, mais remplis d’émotion, qu’ils n’ont pas besoin de publier mais qu’ils peuvent garder pour eux, pour s’entraîner et commencer à se débloquer.

C’est ça, le seul programme qu’ils ont besoin de suivre pour réussir à décoller. Le tout, c’est de pouvoir leur faire comprendre… Et ça, c’est tout un projet.

Je continuerai cette série de portraits demain : j’ai déjà publié lors des derniers jours le portrait du requin du web, celui du procrastinateur de l’extrême, et celui du copieur. Je terminerai par mon propre portrait.


📷 La photo du jour :

Lulu en pleine séance de massage, au milieu des pissenlits.


☘️ Reçois ma newsletter :