L’arnaque du siècle


L’arnaque du siècle, ce n’est pas les NFT.

Ce n’est pas non plus la recette miracle qui soigne toutes les maladies avec un régime à base d’écorces de pastèques.

Et ce n’est pas non plus la dernière formation pour « devenir milliardaire en appuyant sur un bouton ».

C’est beaucoup plus vicieux, beaucoup plus pernicieux que tout ça.

L’arnaque du siècle, c’est la complexité.

Ce qui est simple, ça ne se vend pas. Ce qui est facile, évident, ce qu’on peut expliquer en une phrase ou en trois, ce n’est jamais ce qui rapporte le plus d’argent.

Et pourtant, tellement de choses toutes simples fonctionnent mieux que leurs alternatives complexes.

Mais on en parle peu, parce que ça ne se vend pas.

Par exemple, les services d’e-mailing à destination des créateurs sont souvent de vastes arnaques.

On y vend des fonctionnalités qui leur permettent de créer des séquences d’e-mails avec des critères, des conditions, des structures du type « usine à gaz »…

Par exemple : si Jean-Pierre clique sur le lien 1, mais pas sur le lien 2, et qu’il consulte mon e-mail un soir de pleine lune et un jour impair, alors un automatisme se déclenche pour le faire passer dans le sous-groupe numéro 243, et il recevra tel type d’e-mail jusqu’au prochain jour de pluie, à moins qu’il ait cliqué sur tel lien, et là il passera dans la sous-séquence B3 de l’automatisme 45.

Un système comme celui-ci, c’est extrêmement complexe.

Et pourquoi est-ce que c’est complexe ? Parce que ça peut se vendre plus cher qu’un système simple.

Il suffit de convaincre les gens que c’est précisément cette complexité-là qui a permis à untel d’avoir des résultats spectaculaires, pour que tout le monde achète l’outil ou le système en question, et se mette à transformer son activité en usine à gaz.

Sauf qu’untel n’avait pas vraiment réussi grâce à ça, mais plutôt grâce à son charisme, ses idées, sa façon d’écrire, ou encore autre chose.

Si tu veux vendre une formation pour apprendre aux gens à être heureux, tu ne feras pas beaucoup de ventes si tu leur dis la vérité : rééquilibrez votre vie, soyez davantage au contact des autres et de la nature, donnez-vous des buts qui ont du sens…

Par contre, si tu vends un système ultra-complexe en 24 frameworks de 67 étapes chacun, que tu utilises des mots compliqués comme « modélisation neuronale », « neuroscience de l’habituation », ou « nutrition par micro-fragmentation séquencée », les gens vont vouloir savoir, et ils vont acheter.

Le problème de ça, c’est que c’est devenu prévalent, et qu’on a tous compliqué nos vies en se laissant convaincre que la complexité était nécessaire, parce qu’elle était prêchée par tous ceux qui avaient quelque chose à vendre.

La complexité implique une part de mystère. On constate qu’untel a réussi telle chose, il nous explique ensuite qu’il doit son succès à un mécanisme qui contient des mots étranges et beaucoup d’étapes, et on se dit que si on n’a pas réussi comme lui, c’est probablement qu’on avait choisi une voie plus simple que la sienne.

On a envie d’y croire : ça permet de déculpabiliser. Si je n’ai pas réussi, ce n’est pas parce que mon idée n’était pas bonne : c’est parce que je n’avais pas un système assez compliqué.

Ce qu’on oublie, c’est que beaucoup de choses très simples fonctionnent, et ont toujours fonctionné.

Mais ce ne sont pas celles qui font le plus de vues ni celles qui rapportent le plus d’argent. Parce qu’elles sont trop évidentes pour sembler dignes d’intérêt.

Et c’est bien dommage, parce qu’on y perd à la fois de l’argent et de la sérénité.

La complexité permet aussi à beaucoup d’experts de justifier leur position : si c’était simple, on n’aurait pas besoin d’eux.

Ils le savent, et ils n’ont aucun intérêt à couper la branche sur laquelle ils sont assis.

Si leur crédibilité est dépendante de la complexité de ce qu’ils enseignent, alors leur intérêt est contraire à celui des gens qu’ils prétendent aider. C’est aussi simple que ça.

Le jargon a son utilité : remplir les poches de ceux qui l’ont inventé, et qui sont les seuls à pouvoir le déchiffrer moyennant paiement.


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